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LES AMANTS DE SYLVIA, de Gani Jakupi, ed.Futuropolis, 66 p. ,17 euros.

Fin des années trente, à Barcelone, Paris, Moscou, se met en place l’opération du NKVD qui va aboutir à l’assassinat de Léon Trotsky.

Au-delà du thème – qui ne se prête pas, a priori, facilement à un traitement BD – l’originalité de ces Amants de Sylvia est de centrer le propos sur celle par qui le drame est arrivé : Sylvia Ageloff, militante trotskiste, dernière secrétaire personnelle du révolutionnaire, victime de la manipulation sentimentale à l’origine du complot qui coûta la vie au farouche opposant de gauche à Staline.

Cette version romancée – dans ses dialogues – mais très proche de la vérité historique,  expose l’ampleur de la machination menée par les staliniens : comment Jacques Mornard – alias Ramon Mercader – jouant les dandys a pu intégrer le cercle rapproché du fondateur de la IVe internationale, en se servant de Sylvia. Et comment celle-ci va basculer. Victime d’une double trahison, amoureuse et politique.

Par cette voie oblique, Gani Jakupi, auteur aux multiples talents,  parvient aussi à faire ressentir l’esprit de l’époque. Et ce mélange de paranoïa et de fragile naïveté qui constituait l’environnement du fondateur de l’Armée rouge en son exil mexicain.

Absurdité, en effet, de voir un homme se faire assassiner avec un piolet dans une maison-forteresse emplie d’hommes en armes, vertige de constater qu’un des leaders les plus lucides sur la situation du monde et des menaces qui pesaient sur lui a pu se laisser abuser au point  de permettre à un quasi-inconnu d’être seul avec lui dans son bureau.

Le début de ce roman graphique est – forcément – un peu bavard (mais plutôt judicieusement didactique), et il ne faut pas y chercher de l’action. Côté espionnage, on est clairement plus du côté de John le Carré que de James Bond, pour résumer. Le dessin de Jakupi s’avère également un brin rigide et imprécis. Mais cette froideur et ce flou, ainsi que la mise en couleurs originale, restituent l’atmosphère pesante et crépusculaire de l’époque, alors qu’il était « minuit dans le siècle », comme l’écrivait l’année précédente le révolutionnaire russe Victor Serge.

Cette page d’histoire du XXe siècle est en tout cas exhumée ici avec une grande honnêteté intellectuelle (et enrichie d’un « making-of » de l’album raconté comme une enquête journalistique par son auteur).  Et un traitement d’une belle cohérence graphique.

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